Vélizy-Villacoublay ne s'est pas construite en un jour, mais presque ! En 1962, les dernières récoltes de blé ont lieu sur les terres du plateau. Dix ans après, un énorme chantier a définitivement transformé le paysage rural traditionnel en un paysage urbain moderne.
Celui-ci est dessiné par Robert Auzelle, urbaniste de renom, selon les théories fonctionnalistes de l'urbanisme de l'époque. Un principe de zonage séparant les secteurs d'habitation, d'activités et de loisirs est mis en œuvre. La motivation première est le rejet de la commune-dortoir : le Vélizien doit pouvoir à la fois vivre, travailler et se divertir au sein même de sa ville.
Dans cette commune « laboratoire » sur le plan de l'urbanisme moderne, la rationalisation de l'espace et l'importance accordée aux espaces verts font partie des priorités. La prise en compte globale de l'espace urbain est également novatrice. Le projet prévoit ainsi la mise à disposition du Vélizien d'un certain nombre de structures publiques en même temps que son logement est construit.
Vélizy-Villacoublay surgit de terre en cinq phases, sur une période allant de 1962 à 1972. Alain Gillot est nommé architecte en chef des zones d'habitat. Le quartier du Mail est le premier à être construit, suivi de l'extension ouest (quartier Mozart) puis de l'extension est (quartier Louvois). La zone d'emploi voit le jour en 1966 et son aménagement est suivi par Ivan Jankovic. La pierre finale de l'édifice est posée en 1972, avec l'ouverture du centre commercial régional. Pierre après pierre, suivons la construction de Vélizy-Villacoublay.
Dans les années qui suivent la Libération, la France est frappée de plein fouet par l'explosion du nombre de naissances. Dans un contexte de reconstruction, ce phénomène ne fait qu'accentuer le manque criant de logements.
Au milieu des années 1950, un grand nombre de sinistrés véliziens de la Seconde Guerre Mondiale vit toujours dans des baraquements de fortune. En 1962, on recense encore 500 demandes d'hébergement. Or la commune, avec les quartiers isolés du Village, du Clos et de Vélizy-Bas, ne possède pas les moyens d'y répondre.
Depuis 1947, Vélizy-Villacoublay s'est attelée aux problèmes d'évacuation des eaux usées et d'alimentation en eau potable. Ce vaste chantier d'assainissement constitue une étape préalable indispensable à la mise en place du futur programme de construction de la ville.
Dès les années 1930, une réflexion s'engage autour de la possibilité de créer une première liaison entre les quartiers du Village et du Clos. En 1953, le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme donne son accord pour la construction d'un lotissement d'une centaine de pavillons sur le terrain longeant l'actuelle rue Brindejonc des Moulinais. Au cours de la séance extraordinaire du 21 juillet 1955, le Conseil municipal justifie le choix de ce lieu : «la commune de Vélizy-Villacoublay n'a pas d'autres possibilités de s'étendre et de loger les habitants car, vu la proximité de l'aérodrome, les autres terrains situés sur le territoire de la Commune sont techniquement impropres à la construction en raison du bruit et de la direction des pistes de l'aérodrome».
Les premiers habitants s'y installent durant l'été 1958. Un édifice public vient compléter ce nouveau paysage : l'école Jean Mermoz, inaugurée en 1960 par Michel Debré.
Le 17 juin 1960, le Conseil municipal donne son accord pour «la réalisation d'un ensemble de 1 732 logements sur le plateau de Villacoublay». La commune doit pour cela racheter les terrains appartenant aux deux principales fermes de Vélizy-Villacoublay.
Afin de conserver une certaine maîtrise du développement urbain, la Mairie crée en 1961 la SEMIVILLA (Société d'Economie Mixte d'Aménagement de Vélizy) et la SEMIV (Société d'Economie Mixte Immobilière de Vélizy). La première prend en charge l'aménagement général de l'ensemble du plateau de Villacoublay. Elle est à l'origine de l'acquisition des terrains et de leur rétrocession aux constructeurs.
La seconde régit le programme de construction des bâtiments et assure la réalisation des opérations locatives ou d'accession à la propriété.
Le permis de construire est déposé à la fin de l'année 1961. Le chantier de construction des bâtiments s'ouvre en avril 1963, alors que s'achèvent les travaux de voirie et d'assainissement.
La réussite du projet urbain de Vélizy-Villacoublay réside dans la mise à disposition des habitants d'équipements généraux en même temps que leurs logements. Grâce à la création d'une zone d'emploi sur le site même de l'agglomération, le Vélizien peut donc satisfaire à l'ensemble de ses besoins sans sortir de sa commune. Cette volonté s'appuie sur l'idée chère à Robert Wagner de ne pas faire de sa ville une simple «commune-dortoir».
«Après avoir été longtemps «commune-dortoir», nous allons être bientôt une ville équilibrée où chaque ménage, après les mutations inévitables, pourra trouver sur place : du travail, des commerces, des activités sportives, des loisirs, et le tout dans un cadre de verdure sans pollution». Robert Wagner
Vélizy-Villacoublay est une ville construite pour la voiture. La réflexion engagée autour du sens de circulation, la largeur des avenues et la présence de nombreux parkings en témoignent. Mais le réseau de voierie ne pénètre jamais à l'intérieur des îlots d'habitation et les parkings sont systématiquement rejetés à l'extérieur.
L'élargissement à deux fois deux voies de la N186, future A86, marque le début des aménagements routiers de plus grande importance. Parallèlement, l'ancienne N187 est transformée en voie rapide et devient la N118. Mais les travaux les plus spectaculaires sont incontestablement la construction des trois échangeurs routiers au début des années 1970. Perçus comme des labyrinthes pour certains et d'audacieux ouvrages d'art pour d'autres, ils deviennent pour tous des éléments caractéristiques du paysage vélizien.
La première vocation du grand ensemble, appelé plus communément le Mail, est de créer un véritable centre-ville qui attire et regroupe les populations du Clos et du Village.
L'idée d'Alain Gillot, architecte en chef, est de créer un coeur attractif autour duquel s'élèvent des bâtiments hauts sur pilotis. L'architecte groupe dans cette zone un centre commercial, une galerie marchande, un marché, un hôtel des postes, un centre de protection infantile et un centre d'action sociale. Un grand mail piéton dessert tous ces prolongements sociaux. Les complexes scolaires et sportifs sont décentralisés et implantés en périphérie, dans des zones plus calmes. Les habitants peuvent dès 1966 profiter d'une piscine, d'une salle omnisport puis d'un stade.
En 1971, l'Eglise Saint Jean-Baptiste est consacrée pour remplacer l'Eglise Saint-Denis, devenue trop petite. Autour de ce centre actif, des îlots résidentiels sont mis en place. Leur hauteur réduite permet de créer une transition avec la campagne environnante.
En 1964, moins de deux ans après le début des travaux, les premiers habitants s'installent dans les nouveaux immeubles.
A la fin des années 1960, Vélizy-Villacoublay connaît un nouvel essor économique et démographique. Ce développement est favorisé par la création d'emplois nouveaux, la situation proche de Paris et l'importance des équipements collectifs déjà réalisés. La commune lance donc la construction d'un groupe de 1 650 logements, adossé à la forêt, à l'ouest du premier ensemble. Le chantier débutera en 1966 et prendra fin en 1970. Cette zone, tout comme le Mail, accueille un petit centre commercial, un groupe scolaire, un gymnase et une halte-garderie.
De 1969 à 1975, c'est au quartier Est, également proche de la forêt, de se couvrir de constructions. Quatre secteurs d'habitation, 2 000 logements, qui s'élèvent autour d'un centre d'activité comportant plusieurs infrastructures : centre commercial, halte-garderie, poste, bibliothèque et centre social. Le tout prend place sur une dalle de deux hectares, réservée uniquement aux piétons. L'objectif de la commune est de donner à cet ensemble une vie propre et de créer un équilibre par rapport à la prépondérance du Mail.
Au début des années 1960, l'aérodrome privé «Morane» occupe le terrain où est implantée l'actuelle zone d'emploi et une grande partie du quartier Est. Sa situation entre Paris et Versailles en fait un lieu privilégié pour le développement d'une zone d'activité.
La SEMIVILLA, par l'intermédiaire de l'architecte Ivan Jankovic, en étudie l'implantation et assure sa réalisation et l'accueil des entreprises futures. Dans la lignée du passé aéronautique, une activité liée aux nouvelles technologies et aux innovations s'y développe. A l'été 1970, la zone d'emploi est un succès puisqu'une centaine d'entreprises s'y est déjà implantée. En 1972, l'ouverture du centre commercial régional marque la fin de la grande période de construction du nouveau Vélizy-Villacoublay.
Cette politique de construction se solde par une augmentation fulgurante de la population, qui atteint 24 000 habitants au milieu des années 1970. Les équipements publics doivent s'adapter : en 1974, la mairie de «village» est abandonnée au profit d'un nouveau bâtiment moderne et le nombre de crèches et d'équipements sociaux se multiplie.
L'époque de construction de Vélizy-Villacoublay suit la période d'édification des grands ensembles dans l'immédiat après-guerre. La ville a donc bénéficié des enseignements tirés des erreurs passées. La principale différence avec ces ensembles urbains de la région parisienne est à chercher du côté de la densité de population, qui a été voulue relativement faible. Une attention particulière a également été portée à l'esthétique des matériaux. Des structures en petites unités d'habitations ont été privilégiées et les architectes ont fait preuve d'un réel souci de l'architecture environnante. Cet urbanisme se veut respectueux du contexte historique et social de la ville et de sa population. Laissons à Alain Gillot, architecte, le privilège de nous expliquer les principes d'aménagement du nouveau Vélizy-Villacoublay'
« L'architecte a fait le choix d'implanter des immeubles ponctuels de préférence plutôt que des bâtiments en bande qui auraient limité les possibilités de perspectives et d'orientations ». Alain Gillot, architecte.
La construction des bâtiments sur pilotis et leur élévation dans le but de libérer le sol et de créer des jardins, permet d'aérer l'espace et de jouer sur l'effet de transparence.
« Pour éviter toute monotonie, les immeubles ont été variés au maximum dans leurs volumes, leur hauteur et l'expression de leur façade ». Alain Gillot, architecte.
Pour humaniser et égayer les façades, l'architecte installe des loggias qui prolongent les appartements sur toute la longueur de la façade la mieux exposée.
« Une séparation complète des circulations automobiles et cheminements piétons a été recherchée systématiquement. Les secteurs d'habitation sont dotés de parkings souterrains [quartier Louvois uniquement] desservis par les voies périphériques et munis de sorties piétons à proximité des immeubles, ce qui permettra de libérer totalement le sol et de l'aménager entièrement en espaces verts, en surfaces de jeux et en promenade ». Alain Gillot, architecte.
L'objectif étant de rendre le cœur de la ville aux piétons, une rue souterraine est aménagée sous les centres commerciaux afin de permettre l'approvisionnement des réserves des boutiques en sous-sol. Les groupes scolaires, quant à eux, sont construits à proximité des habitations afin de réduire la distance à parcourir pour les enfants.
« Une attention toute particulière a été réservée aux jardins. Ils seront traités à l'anglaise et comprendront des groupes d'arbres d'essence forestière et des grands conifères, afin d'augmenter l'interpénétration de la ville et de la forêt ». Alain Gillot, architecte.
Les jardins sont dessinés dans le but d'offrir d'agréables perspectives au niveau des promeneurs, mais aussi une composition harmonieuse aux regards des habitants des immeubles qui les dominent.