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MARTINE CAROFF, SCIENTIFIQUE AU CNRS

Montag, 16. märz 2020

Une Vélizienne fait avancer la recherche médicale

A 70 ans, Martine est passionnée comme au premier jour. Scientifique chevronnée, elle rem-porte au printemps dernier le Prix Européen de la femme innovatrice, grâce à sa découverte médicale et sa création d’entreprise. Humble, persévérante, le sourire aux lèvres et hyper dy-namique, elle aura mené au long de sa carrière deux combats simultanés, celui de l’avancée scientifique ainsi que la place de la femme dans le domaine des biotechnologies. Retour sur un sacré parcours. 

MARTINE CAROFF, SCIENTIFIQUE AU CNRS

Née à Paris, Martine grandit avec ses deux frères. Elle éprouve de l’admiration pour son père orphelin qui, à force de travail et de persévérance, est devenu directeur d’un centre de télécoms. Jeune, elle présente un profil assez scientifique contrairement à ses frères, plutôt littéraires. Après avoir vécu quelques an-nées en Algérie (ses parents y étaient coopérants), elle rentre en France pour y suivre des études. Le père de sa meilleure amie au lycée est chirurgien, c’est lui qui lui parle du métier de cher-cheur pour la première fois et l’héberge dans son appartement à Meudon-la-Forêt, le temps des études, avec sa fille qui devien-dra aussi chercheur. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle découvre Vélizy, et s’y installe quelques années plus tard rue de Villacoublay, où 30 ans après elle habite toujours !
Elle s’inscrit à la faculté d’Orsay (université de Paris-Sud) et entre 10 ans plus tard au CNRS*. Elle intègre une équipe de recherches dans le cadre d’un stage pour sa première thèse. « Le sujet m’a plu immédiatement ! », se souvient-elle. Elle étudie la membrane des bactéries, et analyse des molécules qui entrent en contact avec l’hôte au moment de l’infection et sont reconnues par les anticorps. C’est le Lipopolysaccharide (LPS). Surdosée, cette molécule devient toxique quand elle se retrouve dans le sang et peut provoquer un choc mortel. En revanche, à petite dose, elle a le pouvoir de stimuler le système immunitaire. Au cours de ses études, la jeune femme présentera une deuxième thèse, avant d’intégrer l’équipe en tant que chercheur CNRS.

Du labo au business plan                                                                                  

De ces thèses et des recherches qui ont suivi découleront deux découvertes majeures :
1.      La mise au point d’une méthode d’extraction de ces molécules à partir des bactéries, en utilisant des solvants non toxiques (car toxiques jusqu’alors).
2.      Le moyen de détoxifier ces molécules par un traitement chimique.

 « Le hasard a voulu qu’au moment où j’ai mis au point cette première méthode, je croise un chercheur de chez L’Oréal® qui m’a conseillé de la breveter. Ce n’était pas vraiment l’esprit à l’époque, mais j’ai sui-vi le conseil. » L’université d’Orsay dépose le brevet et Martine Caroff en est l’auteure. Parallèlement, elle devient directrice de recherches et encadre une dizaine de chercheurs. L’université l’encourage à valoriser le brevet, une aubaine pour Martine qui constate que très peu de postes sont disponibles pour les jeunes chercheurs à l’issue des études. « Je me suis dit voilà un moyen de faire entrer l’un de nos chercheurs, et je me suis lancée dans l’aven-ture ! » Pendant un an, elle suit des cours de commerce à HEC, dans l’optique de créer son entreprise et à terme générer de l’em-ploi pour les jeunes chercheurs. En 2011, la scientifique gagne un concours national qui lui rapporte 200 000€ et lui permet de créer officiellement la société LPS-BIOSCIENCES (pour Lipo-polysaccharide, nom de la fameuse molécule). Celle-ci propose du service à de grands noms de l’industrie pharmaceutique et les aide à améliorer leurs vaccins.  

 « Retraitée une fois par semaine »

Après avoir pris sa retraite au CNRS à 65 ans, Martine viendra à l’université pendant un an comme bénévole car elle a « encore des étudiants à former, de l’argent pour des projets en cours et pour pouvoir finir le travail qu’elle a entamé ». Nous sommes en 2016, la chercheuse se consacre désormais à sa société à 100%. « Je suis à la retraite une fois par semaine, le mercredi pour garder mes petits-enfants ! ». Elle continue à travailler le reste de la semaine.  « Il y a besoin de moi dans la société qui est encore jeune », explique-t-elle, « je souhaite pérenniser les emplois créés ». Lauréate de plusieurs concours, elle a toujours tout investi dans ses entreprises. En 2018, elle crée avec son fils et ses collègues une deuxième société, Hephaistos Pharma, consacrée unique-ment à la recherche. « On s’est aperçu que cette molécule a un pouvoir intéressant dans les traitements contre le cancer par immu-nothérapie », développe-t-elle. « Pour les cancers les plus durs, l’im-munothérapie a réussi à soigner 10% des cas les plus difficiles, nous avons montré chez l’animal que l’on passait à 70% en ajoutant ces molécules ». A l’heure actuelle, la méthode est encore en phase de test chez l’animal. Les tests sur l’homme pourront être effec-tués d’ici à 2025.

Un prix pour deux combats

« Ce qui m’a amenée à candidater pour le Prix Européen des femmes innovatrices, c’est qu’il est dédié aux femmes. Sur environ 40% de femmes entrepreneures en France, il y en a seulement 17% dans le domaine des biotechnologies. C’est un domaine qui reste encore très masculin », confesse Martine. Elle qui a grandi avec l’idée d’une égalité homme - femme parfaite, elle pour qui ses parents n’ont jamais fait de différence, « on ne m’a pas demandé d’aller aider ma mère en cuisine ou de débarrasser la table plus qu’à mes frères. C’est en mettant les pieds au labo pour la première fois que j’ai vécu cette différence envers les femmes ». Omniprésent, le sexisme auquel Martine fait face se traduit par des réflexions, une minorité de femmes, une inégalité dans les promotions. « C’est ma ténacité qui m’a permis d’avancer », confie-t-elle. « Si je trouvais quelque chose d’injuste, et ça l’était profondément, il fallait absolument que j’arrive à avancer et réussir. »  
Au printemps dernier, lors du salon Vivatech à Paris, Martine a été désignée lauréate du Women innovators 2019 parmi 200 candidates. Une belle revanche… « Cette récompense m’a fait du bien car j’ai repensé à toutes les difficultés que j’avais eues en tant que femme, à progresser aussi bien dans le domaine académique qu’entrepreneurial. C’était une belle aventure, ça valait le coup ! », conclut-elle. 
MB


                                                                                                                                                                                                                                            *Centre National de Recherche Scientifique