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À l’Assemblée, Norbert remet les pendules à l’heure !

Dienstag, 5. dezember 2017
Geschichte

Portrait - J’ai donné rendez-vous à Norbert en fin de journée, à 17h. Celui-ci me prévient qu’il aura 10 minutes de retard. Rien de grave, mais plutôt cocasse, quand on y pense : un horloger fâché avec la ponctualité, pourrait-on appeler ça un comble ? « Je ne suis jamais à l’heure ! » clame celui-ci qui m’explique : « Ma montre est bien réglée, mais je n’ai jamais aimé les contraintes horaires. » Normal, pour un maître du temps, le respect des horaires est bien trop chronophage…

À l’Assemblée, Norbert remet les pendules à l’heure !

Tic… tac… tic… tac… Un son bien connu, chez les Khidichian. Comme son grand-père, son père et son fils, Norbert Khidichian est horloger. Plus qu’une passion, dans la famille l’horlogerie est un mode de vie. C’est dans l’établi de son grand-père, au sein de son pavillon, que Norbert découvre ce monde de « petites choses » qui le fascinera immédiatement.

« Il m’a transmis la fibre de l’horlogerie », raconte-t-il. Dès la fin du collège, il entre en apprentissage. Une orientation peu crédible dans la famille, lui le « petit apprenti à côté de mes cousins ou frères et sœurs en passe de devenir médecins, ingénieurs, etc. Seul mon grand-père me soutenait ! », se remémore-t-il. « J’ai de suite été passionné par ce tic-tac permanent, j’aime voir le temps qui passe.

Cela m’amuse de pouvoir « dompter » le temps », dévoile-t-il. Il y découvrira la réparation à la manière ancienne, « il doit y avoir une certaine imperfection, on doit restaurer la pièce comme elle fonctionnait à l’époque. Une belle restauration est une restauration qui ne se voit pas ». Il deviendra pendulier, une spécialité de l’horlogerie dans la restauration de pendules et de montres anciennes.  

La machine à remonter le temps

Après sept années de bons et loyaux services auprès de Maître Bellefontaine, pendulier, il ouvrira en 1990 l’Horlogerie Norbert à Paris, un atelier ayant pignon sur rue toujours en activité. Il y restaure des pendules de toutes époques, de Louis XVI au 1er Empire, etc.

« Je suis fasciné de toucher une pendule qui fonctionnait en 1750 et qui donne toujours l’heure 200 ans plus tard ! Pas sûr que ce soit pareil avec nos PC ou nos smartphones ! », ironise-t-il. Les montres de luxe ne le font pas particulièrement rêver, lui ce qu’il aime « c’est un objet qui a une histoire, plus il est vieux plus il m’intrigue ! ».

Chez Norbert, la valeur sentimentale prime sur la valeur pécuniaire. Il possède quelques montres mais qui ne coûtent pas forcément une fortune, elles ont en revanche toutes quelque chose de « spécial », une boîte originale, un cadran quelque peu guilloché…  

« Dans le sens des aiguilles d’une montre »

Alors âgé d’une trentaine d’années, il seconde l’horloger de l’Assemblée Nationale, bientôt à la retraite. Malgré son jeune âge, c’est tout naturellement que Norbert prend la suite et devient à 30 ans Pendulier - Maître du temps (titre officiel) du Palais Bourbon. Cela fait désormais plus de 20 ans que celui-ci remonte, chaque lundi matin, les 84 pendules de l’Assemblée, avec la même minutie et la même passion.

L’itinéraire, bien précis, est chaque fois le même : il commence par les bureaux de la Présidence, situés dans l’Hôtel de Lassay, traverse ensuite le corridor qui lui permet de rejoindre le Palais Bourbon et déambule au fil des bureaux des questeurs ou appartements de députés pour remonter les 74 pendules restantes. C’est au moyen d’une clé qu’il remonte chacun des ressorts, une manipulation nécessaire chaque semaine au risque de voir la pendule s’arrêter.

Par la même occasion, Norbert en profite pour régler les pendules dont l’heure aurait « bougé » de quelques minutes… La plus ancienne, un Cartel Louis XVI, a été conçue tout en marqueterie. « A l’Assemblée, ce sont les pendules qui ont des oreilles… », confie l’horloger.

Son souvenir le plus marquant lui vient d’un client qu’il connaît bien. « Il m’apporte un jour une pendule plutôt colossale pour rénovation, et me fait savoir qu’il en a besoin pour le 15 janvier précisément. C’était en fait le jour de son anniversaire, date à laquelle il allait devenir le propriétaire officiel de la pendule, qui se transmettait depuis des générations dans la famille à chaque aîné masculin. Lorsque je la lui ai remise, il m’en a raconté un peu plus ; en fait, les parrain et marraine de cette pendule n’étaient nuls autres que Louis XVI et Marie-Antoinette en personne, qui l’avaient eux-mêmes transmis à chaque aîné de la famille depuis leur règne. J’ai été pris de frissons ! »

Norbert, bien que passionné de montres et de pendules, n’est pas homme à perdre son temps ! Quand il n’est pas à l’atelier, c’est sur les pistes de danse qu’il vit son autre passion : le rock ! « Je m’entraîne depuis 20 ans déjà, ça c’est mon côté Titi parisien ! », plaisante l’horloger. Un autre genre de balancier, qu’il semble maîtriser tout autant…  

Le saviez-vous ?

Partout dans le monde, dans chaque magazine, chaque publicité, les montres de n’importe quelle marque sont toujours présentées de la même manière, à la même heure : 10h10. La raison, il y en a deux en réalité. La 1ère, plutôt marketing, est justifiée par la position des aiguilles à 10h10 qui forment un « sourire », plus attrayant qu’un 7h20 par exemple… La seconde, historique, fait référence à l’heure du décès de Louis XVI. Les horlogers, qui faisaient partie des nobles, étaient bien souvent royalistes, d’où leur attachement à l’heure royale. Transmise de génération en génération, cette « manie » est aujourd’hui une référence mondiale !