« L’émotion libère les pétales de rêve dans la vie. » Cette phrase aura bientôt sa place dans les rues du nouveau quartier du Mail. Pensée lors d’un atelier animé par l'artiste Kuamen, cette devise résonne avec le parcours de l’artiste pluridisciplinaire. Originaire d’un quartier défavorisé, il a toujours dû se battre pour réaliser ses rêves. Aujourd’hui, il transmet aux plus jeunes l’importance d’y croire.
C’est lors d’un atelier de gravure sur pierre calcaire au centre de loisirs Jean Macé que de jeunes véliziennes ont réfléchi à ces mots symboliques. Avec la fondation du groupe Verrecchia, spécialiste de la construction en pierre de taille, et acteur du projet du Mail, Kuamen, artiste pluridisciplinaire, a répondu présent pour aider des élèves de CM1-CM2 à explorer le monde de la gravure tout en poésie.
Plus qu’une simple animation, ce moment d’apprentissage est, pour le sculpteur, une véritable œuvre. « Ici, chacun transmet à l’autre. On a toujours tendance à penser que l’adulte transmet aux enfants, mais c'est faux, c’est un échange. » Il poursuit : « Cet échange a un impact et perdure dans le temps, telle une œuvre ». Une vision poétique que Kuamen a depuis toujours.
Retour au début des années 90 à Aulnay-sous-Bois où le jeune Kuamen, de son nom d’artiste, vit avec sa famille. Après s’être rencontrés en Russie, sa mère mauricienne et son père, originaire du Congo, déménagent pour Londres. Kuamen et sa famille y vivent quelques années avant de partir pour la France. Son enfance est alors bercée par une authentique richesse culturelle. « Je dois énormément à mes parents. Mon père aimait beaucoup la musique, il avait des références de soul et de reggae qui m’ont influencé. Mais le réel point d’ancrage, c’est lorsque j’ai découvert la musique rap », se remémore-t-il.
Alors âgé de 11 ans, le jeune adolescent découvre des artistes hip-hop américains tels que Snoop Dogg ou Warren G. Des textes qui retentissent avec son quotidien dans un quartier difficile. Kuamen se souvient encore de cette première révélation artistique. « Je voyais un environnement similaire où les problématiques étaient les mêmes, où il fallait revendiquer le fait que nous ne voulions pas être mis en marge, que nous voulions exister au même titre que n'importe qui. C’est ça le pouvoir de l’art ». De façon inconsciente, sa carrière artistique commence. La poésie rythme ses journées. Joies, peines, il narre son quotidien pas toujours simple en banlieue. Un endroit où l’art a du mal à se faire une place. Puisque peu d’actions étaient établies pour aider les jeunes à s’épanouir dans la créativité, Kuamen a été contraint d’apprendre par lui-même. Que ce soit la peinture ou la sculpture, c’est en autodidacte que ses premières œuvres voient le jour.
Le dessin devient alors un instrument pour mettre en image ses pensées. Bien qu’il n’ait pas fait d’études dans ce domaine, il sort tout de même d’une école de commerce et d’un master en marketing international. Une de ses amies, étudiante aux beaux-arts, lui fait découvrir des artistes dont le peintre Jean-Michel Basquiat, la deuxième révélation artistique de Kuamen. Précédemment, ses références de peinture étaient Picasso ou encore Dali. En découvrant le travail de Basquiat, l’Aulnaysien se retrouve immédiatement : « on a tous besoin d'une certaine manière de leaders d'opinion, de personnes qui nous donnent nos repères, qui nous donnent envie de faire des choses ».
Ses inspirations, il les puise aussi dans ses rencontres. S’il débute dans la sculpture, c’est aussi grâce aux conseils d’une artiste américaine. En échangeant avec cette dernière, Kuamen réalise qu’il s’agit d’une discipline dans laquelle il peut s’épanouir. Pas besoin exclusivement de marbre, le sculpteur se donne la possibilité d’utiliser de la pierre calcaire, des objets récupérés, etc... pour créer ses œuvres de manière contemporaine, en alliance avec son temps. Le thème reste bien souvent le même : l’art social. C’est aussi pour cette raison qu’il participe à des ateliers pour les jeunes. L’artiste pluridisciplinaire révèle : « Les ateliers font partie intégrante de ma pratique, qui est de transmettre, de faire en sorte que la société soit plus juste, plus humaine. »
Une devise significative dans sa vie quotidienne. Son atelier se situe d’ailleurs dans un institut médico éducatif. L'opportunité pour Kuamen de travailler avec des enfants en situation de handicap lors d’ateliers de peinture, sculpture, dessin... Des activités qu’il décline un peu partout en France mais surtout en région parisienne, comme à Vélizy-Villacoublay. Durant les vacances d’avril, au centre de loisirs Jean Macé, une initiation de gravure sur pierre s’est déroulée avec les fonds de dotation Verrecchia.
Autour d’un texte de rap, sept jeunes filles ont réfléchi à la notion de bonheur et ce que cela signifiait pour elles. Ensemble, lors d’un travail collectif, ils ont créé une phrase qu’ils ont ensuite gravé sur la pierre. Une rencontre porteuse de messages pour Kuamen : « On pense souvent que ce sont les hommes qui pratiquent la sculpture de la taille de pierre, c’est un stéréotype. C'était important de pouvoir déconstruire ces préjugés. »
Derrière son masque sculptural, l'artiste questionne beaucoup : « Je mesure 2 mètres, j’ai une couleur de peau noire et je porte un masque. Il y a souvent des raccourcis et clichés qui évoquent de la violence. Alors que le groupe Daft Punk a des millions d'écoutes et personne ne juge. Mon masque représente la matérialisation de l’endroit où je vis. » Il fait aussi partie de son identité d’artiste. À l’ère des réseaux sociaux, il s’agit d’une manière de se demander ce qui prime le plus : son physique ou son art ? Pour Kuamen, pas de doute : le travail d’un artiste l'emporte. C’est pourquoi ses oeuvres restent très engagées. Pour lui, l’art ne doit pas être élitiste et doit parler à tous.
C’est le message qu’il souhaite transmettre à la jeune génération : « Ne laissez personne vous dire que vous n'êtes pas capable d'accomplir ce dont vous avez vraiment envie. Même si ça vous semble inaccessible, c’est justement ça qui est intéressant. C’est dans la difficulté que vous allez vous révéler. »