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Vincent Perrottet, libre de créer et de défendre ses idées

Martes, 31 de octubre de 2023
Cultura

Vincent Perrottet, souvent présenté comme « graphiste indépendant engagé », ne mâche pas ses mots, il les affiche ! Alors que le graphisme peine encore aujourd’hui à être reconnu comme un art à part entière, les oeuvres de Vincent Perrottet sont légendes, y compris à l’international. Avec un franc parler et sans aucune prétention, l’artiste revient pour nous sur son parcours.

Vincent Perrottet, libre de créer et de défendre ses idées

Le samedi 7 octobre, les Véliziens étaient invités au vernissage, à l’Onde, de l’exposition intitulé Waouh en présence de l’artiste. Une certitude, Vincent Perrottet, hermétique aux formules publicitaires marketing, ne nous a pas trompé sur la marchandise… Plus de 200 affiches sont exposées. Il y a des affiches de théâtre, des séries d’images politiques « Travaille d’abord tu t’amuseras ensuite », ainsi qu’une collection d’images-portraits « On peut rêver » et même des réalisations d’amis graphistes. Pas moins de trois semaines ont été nécessaires pour installer et mettre en scène ces oeuvres. L’équipe des Echos en a profité pour obtenir une visite en avant-première ainsi qu’une entrevue exclusive. A peine le sas de l’Onde franchi que le pari est déjà gagné. Notre oeil est instantanément saisi par les couleurs, la grandeur, les mots, les regards. Mais comment fait-il ?

Une recette graphique exquise

« Le plus dur dans la rue, c’est de capter le regard, alors j’essaie de faire des images énergiques », explique l’affichiste. Ni plasticien, ni photographe, ni peintre, Vincent Perrottet dit faire de la cuisine. « J’assemble différents ingrédients et j’harmonise les formes. Je mets en scène des mots, mais je n’ai pas dessiné la typographie, j’ajoute des photos, souvent je n’en suis pas l’auteur.

C’est de la cuisine. Je travaille l’image et je la révèle par différentes sauces.» L’artiste nous confie qu’il prend beaucoup de plaisir à découvrir sa création chez l’imprimeur car c’est à ce moment- là précisément que la couleur se définit. Le premier effet Waouh.

Attirer l’attention est un savoir que Vincent maîtrise avec audace. Petit, ses voisins lui reprochaient d’en faire de trop. « Mon père était architecte, il disait qu’habiter son architecture est un gage de qualité. Les enfants de la cité disaient que je faisais mon intéressant parce que j’argumentais constamment. Je voulais défendre mes idées. Si c’est cela être prétentieux, alors oui, il est important de l’être. »

Un caractère et un style affirmé que Joël Gunzburger, directeur de l’Onde, a repéré il y a plus de vingt ans. De là est née une forte amitié... et des projets ! « A l’époque, je faisais partie du collectif Les graphistes associés, Joël m’a suggéré de travailler avec Anette Lenz, designer-graphiste. Je connaissais et j’admirais beaucoup son travail. La rencontre était comme une symbiose. Je ne compte pas les heures que nous avons passé dans son atelier, c’était un plaisir de travailler avec elle, et ça a duré 13 ans ! » se souvient-il avec tendresse. Ensemble, ils créent l’identité graphique de différents théâtres. Leurs affiches font le tour du monde et décrochent de multiples prix à Téhéran (Iran), Ningbo (Chine), Toyama (Japon), Moscou (Russie)… Les concours internationaux sont des leviers pour les graphistes. « Quand je signais mes images sous le nom de GRAPUS, nous envoyions beaucoup nos affiches et nous étions souvent primés. Ça nous donnait une forme de légitimité. Nous ne voulions pas prendre le pouvoir, c’était donc plutôt un bouclier pour que personne ne le prenne sur nous ! Lorsque nous étions contactés par de grandes marques, nous les recevions et leur offrions le café… juste pour le plaisir de leur dire non. Et puis nous sortions la bouteille de champagne ! Ils pensaient pouvoir nous acheter… Même endettés, nous n’aurions pas pu renier nos valeurs. Je pars du principe qu’on ne peut pas faire de bonnes images pour de mauvais produits », souligne-t-il avec sarcasme.

« Je fais de l’information visuelle pas de la publicité »

Militant sur le fond et dans la forme, jamais Vincent Perrottet ne proposerait quelque chose dont il n’est pas fier. « Quand on se promène dans la rue, on voit des affiches qui veulent nous faire acheter tout et n’importe quoi, mais qu’est-ce qui différencie réellement telle ou telle marque de parfum ? Ce sont les mêmes photos. J’imagine les dix assistants derrière, les chefs de produit… c’est d’une tristesse, le résultat est toujours le même. »

C’est pour cette raison que l’artiste s’est installé à la campagne, dans un village de 300 habitants. « Je ne supportais plus de voir autant de mauvaises images dans les villes ». Si Vincent Perrottet refuse de créer pour le commerce, il défend avec force son statut d’artiste. « Parce que les graphistes maîtrisent l’outil de la communication visuelle, ils ont trop longtemps été classés dans la catégorie Arts appliqués. Et Toulouse Lautrec ? Savignac ? Mucha ? Rodchenko ? c’est quoi ? Ils sont dans tous les musées d’art moderne. Quand Savignac, qui était l’un des plus grands affichistes de l’avant-guerre et aprèsguerre, faisait une image pour vendre un savon, c’était à la fois superbe et efficace. Aujourd’hui, je suis incapable de citer un créateur actuel dans le champ de la publicité. Ça m’embête bien », conclue-t-il le regard vague. Qu’est ce qui est Art et qu’est ce qui ne l’est pas ? Vaste question. Le beau n’est parfois pas là où on l’attend.

« On reconnaît la signature d’Anette Lenz sur les brochures de l’Onde. Je suis très sensible aux objets d’édition, leur qualité plastique et l’intelligence de la mise en forme ». Vincent Perrottet est un grand collectionneur. D’affiches bien entendu, mais aussi de toutes formes d’art graphique. « J’ai un billet hollandais magnifique, je le garde précieusement. Une oeuvre d’art à 10 €, ce n’est pas cher », ironise-til. Il a d’ailleurs fait don d’une partie de sa collection au Centre Pompidou suite à l’exposition « image d’utilité publique » consacrée au graphisme dans le secteur de la communication institutionnelle (signalétique, administratif, et expression culturelle).

Donner pour transmettre et laisser une trace

« Jamais je n’achèterai une image qui a une valeur de spéculation », affirme le collectionneur. Sa collection est issue de ses rencontres, d’amitiés, de hasards… « j’ai commencé lorsque j’étais étudiant à l'École nationale supérieure des Arts Décoratifs, je les conservais pour prendre le temps de les observer, c’est comme ça que j’ai appris à me former un « oeil».

Selon lui, les plus beaux fonds ne sont pas que dans les musées mais aussi dans les écoles d’art et universités où il se rend régulièrement pour enseigner sa pratique à la jeune génération. « Pour cultiver les regards, il faut des lieux pour montrer des références, la diversité des expressions… L’Onde avec son Centre d’art est une véritable chance en cela. Je suis très content d’y présenter mon travail ainsi que celui de mes amis graphistes », se réjouit l’affichiste.

Alors si vous n’avez pas déjà eu l’occasion de découvrir l’exposition, foncez ! Effet Waouh assuré.